L'histoire que je veux vous conter là, c'est celle d'une petite fille native du Loir-et-Cher, devenue orpheline à l'âge de dix ans. Une histoire simple et, somme toute, pas si rare que ça.
Née le 3 octobre 1875 à Sargé-sur-Braye, Germaine Victorine était la fille d'un couple de tuiliers, Alphonse DENIAU et Désirée Théodorine GAUTHIER. Ses parents s'étaient mariés à Souday le 4 juillet 1870, juste avant le début de la guerre contre la Prusse.
Alphonse et Théodorine habitaient au village du Gravier, à Sargé-sur-Braye, dans la tuilerie familiale exploitée depuis une trentaine d'années par les parents d'Alphonse, Jacques François DENIAU et Marie Louise VIGNEAU. Ceux-ci avaient cédé l'exploitation de la tuilerie à Alphonse au début des années 1870.
C'est cette maison qui vit naître leur quatre enfants :
Alphonsine Désirée, le 2 décembre 1872
Germaine Victorine,
Alphonse Prosper, le 11 septembre 1877, et
Georges Théodore, le 21 février 1881.
En février 1882, le grand-père de Germaine mourut ; il avait soixante-treize ans.
En 1883, une épidémie de choléra s'abattit sur la France et c'est peut-être la cause du décès d'Alphonse, qui mourut à son tour le 17 mars 1883 à la tuilerie du Gravier. Il n'avait que 37 ans.
Quinze jours après son décès, le conseil de famille fut réuni devant le juge de paix à Mondoubleau afin de décider qui serait désormais le tuteur légal des enfants DENIAU. Furent ainsi convoqués autant de membres du côté paternel que du côté maternel et réunis : Alphonsine, la mère des enfants, Marie VIGNEAU, leur aïeule paternelle devenue propriétaire rentière au Gravier, François DENIAU, oncle paternel, tuilier au Gravier, et Eugène Hyacinthe DENIAU qui habitait quant à lui à La Ville-aux-clercs, lui aussi oncle paternel.
Le côté maternel était représenté par François GAUTHIER, propriétaire cultivateur à Souday, leur aïeul, Louis Menant, cultivateur à Sargé, leur oncle par alliance, et Alphonse GAUTHIER, cultivateur à Vibraye, dans la Sarthe, également leur oncle.
Sur le vote de la famille, ce fut Eugène qui fut choisi pour devenir leur tuteur légal. Germaine, sa sœur et ses frères allaient donc désormais habiter chez leur oncle et leur tante à La Ville-aux-Clercs, lesquels avaient quatre enfants sensiblement du même âge que leurs cousins.
Ils n'y restèrent cependant pas longtemps puisque toute la famille partit s'installer à la tuilerie du Gravier. Après la mort de son frère, Eugène avait repris l'exploitation de celle-ci.
Au mois de juillet 1885, les drames se succédèrent. La mère de Germaine mourut à l'hospice de Mondoubleau où elle semblait séjourner depuis quelques temps. Quelle en fut la raison ? Nous l'ignorons. Mais le décès d'Alphonse, l'un des cousins de Germaine, survenu neuf jours plus tard, nous laisse à penser qu'ils succombèrent tous les deux à une épidémie.
L'année 1886, Germaine et son jeune frère Georges était dits domiciliés à Souday. C'est cette fois leurs grands-parents maternels, René François GAUTHIER et son épouse Reine Adélaïde qui les avaient pris en charge. Leur sœur aînée était âgée de 14 ans et travaillait sans doute déjà. Quant à Alphonse, neuf ans, il était resté à Mondoubleau.
Et puis Germaine avait grandi et entamé sa vie de labeur. A douze ans et demi, elle travaillait déjà dans les champs.
A l'âge de 17 ans ans, elle obtint l'accord de ses aïeux pour épouser François Alexandre MARVILLE, un jeune homme de vingt-cinq ans. Ils travaillaient tous deux dans la domesticité et ne tardèrent pas à créer une famille nombreuse. Au gré des postes vacants, sans doute, Germaine et Françoise s'installèrent tour à tour à Mondoubleau, Cormenon, Saint-Avit, puis Choue. La famille grandissait au fur et à mesure des années. François et Germaine étaient devenus cultivateurs.
Au début du siècle, installés dans la commune de Choue, au hameau des Brosses, Germaine travaillait autant dans les champs que dans ses foyers où elle s'occupait de sa nombreuse progéniture. C'était une femme dévouée et travailleuse.
Que pensa-t-elle quand elle apprit que ses deux frères avaient été arrêtés pour tentative de vol et complicité ? C'était au début de l'année 1900. Alphonse était alors majeur et Georges avait 18 ans. Le jugement fut rendu le 9 mars devant le tribunal correctionnel de Vendôme. C'est Georges qui avait été condamné pour la tentative de vol mais son frère, complice, écopa de la même peine : 3 mois d'emprisonnement avec sursis.
Par ailleurs, ce ne fut pas la seule condamnation d'Alphonse car il fut de nouveau jugé le 22 juin 1907 pour vol.
Alphonse élit rapidement domicile dans le département voisin de la Sarthe, d'abord à Saint-Calais en 1904, puis à Vibraye en 1907, où son frère Georges s'installa à son tour. Alphonse s'était marié en 1903.
En 1914 éclata la guerre et l'un comme l'autre furent mobilisés. Mais ils n'en revinrent ni l'un ni l'autre. En 1915, Georges mourut des suites de blessures en Meurthe-et-Moselle à Dieulouard. Son frère Alphonse fut tué quelques mois plus tard au combat de la côte 119 près de Souchez, dans le Pas-de-Calais.
Lorsqu'elle apprit la nouvelle, sa femme, Eugénie Augustine BRETEAU, se suicida en se jetant à l'eau (source geneanet : Jérémie Bastard), laissant pour orphelins ses quatre enfants, dont le jeune Clotaire né en 1913.
Ils figurent tous les deux sur le Monument aux morts de Vibraye, et leur nom est inscrit sur la grande plaque commémorative qui figure dans l'église de Vibraye.
Germaine, déjà orpheline, avait donc aussi perdu ses deux frères. Elle était cependant loin d'être seule car elle avait mis au monde pas moins de seize enfants ! Nul doute qu'elle leur ait prodigué beaucoup d'attention et de soins car un seul d'entre eux avait péri, ce qui était plutôt rare pour l'époque.
Par hommage envers la mémoire de deux jeunes gens déclarés Morts pour la France, Alphonse et Georges furent amnistiés à titre posthume en 1921.
En 1927, Germaine, qui avait alors cinquante-deux ans, décida de prendre sous son aile ses quatre neveux et nièces, qui, comme elle, étaient orphelins de père et de de mère.
En 1929, elle fut proposée pour la médaille de chevalier de la Légion d'honneur, tant pour les 42 ans de labeur qu'elle avait fournis, que pour sa dévotion envers sa famille.
« Orpheline, a débuté dans la culture à l'âge de 12 ans ½. Mère de 16 enfants dont 15 sont encore vivants et attachés à la terre. N'a pas hésité, il y a 2 ans, à recueillir 4 neveux et nièces orphelins de père et de mère. Mérite d'être citée en exemple par son labeur incessant, la dignité de sa vie et le courage avec lequel elle a élevé sa nombreuse famille.
42 ans de pratique agricole »
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