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Henri PROULT : un garçon avec un drôle de destin

Je souhaite vous conter l'histoire d'un garçon qui connut un étrange destin.


Henri Jules Damiens PROULT naît le 2 décembre 1898 à Villers-Agron-Aiguisy dans l'Aisne. Il est le fils de Jules Marie PROULT, hôtelier, et de Marie Madeleine Kneippert son épouse. Son frère, Lucien Maurice naît un an plus tard et sa sœur Marcelle Jeanne en 1901. L'année d'après, devenu marchand de machines à coudre, le père installe provisoirement sa famille à Soissons, ville où naîtra leur fille Germaine Gabrielle. Le métier de représentant du père entraîne des déménagements très fréquents dans différentes villes. En 1905 vient au monde leur dernier fils, André, à Châlons-sur-Vesle.

Henri n'a certainement pas vu son père très souvent de par les déplacements liés à son métier. Pire encore, celui-ci abandonne sa famille peu de temps après la naissance d'André.


Restée seule avec ses enfants, Marie Madeleine doit trouver les moyens de subvenir seule aux besoins de la famille. Comment s'y est-elle pris ? A-t-elle trouvé un emploi ? Ou bien a-t-elle cherché le secours d'un homme qui pouvait tous les entretenir ? Quoiqu'il en soit, nous savons qu'en 1911, Marie Madeleine vit avec ses enfants à Ay (51) en compagnie d'un certain Eugène Bernard, dans un climat de misère et de violences quotidiennes. Son infortune, cependant, ne justifie pas ce qu'elle fit alors.


L'histoire de ses enfants va faire le tour du monde. On la retrouve dans tous les journaux de France, mais aussi aux États-Unis et jusqu'en Nouvelle-Zélande !

« Une mère vend ses enfants »

coupure de presse extraite du journal le Bourguignon du 6 octobre 1911qui titre "une mère vend ses enfants" en 1911
suite de l'article "une mère vend ses enfants"

Tel est le titre d'un article paru dans le Bourguignon du 6 octobre 1911.


Henri a alors treize ans. Il raconte au gendarme d'Ay que sa mère l'a emmené avec ses frères et sœurs dans un café où elle a retrouvé une bande de bohémiens. Après quelques discussions, elle a résolu de se séparer de trois d'entre eux contre un peu d'argent !


C'est ainsi que Henri, sa sœur Marcelle et son petit frère de six ans, André, se sont retrouvés pendant quinze jours dans les rues à vendre des lacets, du fil et des aiguilles. On les a en outre forcés à danser devant les passants pour mendier tandis que le jeune André se retrouvait perché sur des échasses. Les nomades se sont montrés très brutaux et les ont à peine nourris. Finalement, peu satisfaits de ce qu'ils pouvaient tirer d'eux, ils ont chassé les deux frères mais ont gardé la petite Marcelle avec eux « parce qu'elle était jolie ». Là, les versions diffèrent quelque peu suivant les articles : peut-être Henri a-t-il un sursaut de fierté car, d'après lui, lui et son frère ont réussi à s'échapper, ne pouvant emmener leur sœur car elle se trouvait dans une autre roulotte. Mais laissons-lui ce joli rôle, car il le mérite.

Par chance, leur oncle habite Reims et c'est là qu'ils se rendent pour conter leur triste mésaventure. La suite se trouve dans l'article : l'oncle prévient la gendarmerie qui fait une enquête. Leur mère reconnaît la transaction mais prétend avoir seulement « placé » ses enfants et non les avoir vendus.


Nous savons que les trois enfants sont sortis de leur enfer car Marcelle se marie sept ans plus tard. Comme ses frères et sœur, elle a été prise en charge par l'Assistance publique. Leur dossier nous apprendrait s'ils ont été retirés à leur mère ou bien si celle-ci perçut une aide de secours pour les entretenir mais il est fort vraisemblable que chaque enfant ait été placé dans une famille différente. Henri, quant à lui, va vivre chez son grand-père qui a accepté de le prendre en charge, retrouvant son frère Lucien qui y habite déjà.

Plus tard, Henri, Lucien et sa sœur deviennent tous trois ouvriers agricoles, chacun travaillant dans une commune différente.


Et puis c'est la guerre. Henri est incorporé dès 1917, il n'a alors que 19 ans. Il sert dans l'infanterie et va connaître les horreurs des combats. Pourtant, il fait preuve de courage. Le 20 octobre 1918, alors que son régiment est à Verneuil-sur-Serre (02), il se dévoue « pour accomplir une mission de liaison dans des conditions très périlleuses ».

Il est malheureusement tué au cours de sa mission.


citation d'un soldat en 1918
extrait de la fiche matricule de Henri Jules Damiens PROULT

Henri sera cité à titre posthume et son nom figure sur le monument aux morts d'Epernay, à côté de celui de son frère Lucien, lui aussi Mort pour la France en 1918, des suites d'une infection grippale contractée en service.


photographie avec allégorie de la ville d'Epernay défendant ses enfants
monument aux morts d'Epernay (51)

Mais la vie ne lui aura décidément fait aucun cadeau...


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