La lettre de Marcel - 2ème partie
- Claire Marti
- 19 déc. 2024
- 3 min de lecture
La famille séparée en 1940
Roger se souvient que le premier jour, ils dormaient dans de grandes chambres avec des lits superposés. Cela remonte à 1939.
Quelques mois plus tard, Marcel poste sa lettre depuis Gennevilliers. Il est vraisemblablement en permission chez lui. Son père est parti rejoindre Louise et ses enfants mais il ne reste que quelques jours. En effet, Paul va passer toute la période de la guerre à Gennevilliers. Âgé de 45 ans, père de famille nombreuse, mais surtout parce qu'il est amputé d'une jambe, il n'est pas mobilisé. Il est en revanche réquisitionné pour poursuivre son travail à la Société Générale des huiles de pétroles où il est employé depuis plusieurs années. Il n'a donc pas pu partir avec sa femme et ses enfants dans le Loir-et-Cher.
Une fiche de la préfecture datée du 14 mai 1940 nous indique que Louise et ses enfants ont été hébergés à Villedieu-le-château, destination qu'ils ont rejointe à bord de l'automobile d'un certain M. JACQUEMIN l'après-midi même.

Roger et les autres enfants allaient à l'école. Un nom lui est resté en mémoire, celui de Mr TRABIER, l'instituteur, qui n'était pas particulièrement sévère. Était-ce à Prunay, à Villedieu ou ailleurs ? Peu importe au fond, l'essentiel est que la famille était plutôt bien installée. Paul les rejoignait quand il le pouvait mais ne restait jamais bien longtemps.
Quant à Marcel, les détails sur sa vie sont assez flous. Roger raconte qu'il s'est retrouvé séparé de son régiment et obligé de vivre en se cachant. Mais il a été arrêté lors d'un contrôle et emmené à Pithiviers, puis chargé avec d'autres hommes dans un wagon à bestiaux pour aller travailler de force en Allemagne. Au cours du voyage, Marcel et les autres ont réussi à forcer la porte du wagon, ont sauté du train et se sont éparpillés dans la campagne. Marcel est arrivé chez ses parents en pleine nuit. Il est reparti avec un peu d'argent et des vêtements, après quoi, la famille ne l'a plus revu durant toute la guerre.
Si l'on se base sur les faits et les documents retrouvés, nous savons que le 1er Régiment d'infanterie coloniale a été décimé puis dissous le 22 juin 1940, juste après s'être glorieusement illustré lors de la bataille de Crepey (54). Marcel est fait prisonnier le lendemain et interné au frontstalag 162 à Dommartin-lès-Toul (54).
Le 14 mars 1942, Marcel est libéré et démobilisé. Il est radié du corps et rentre enfin chez lui. Il se réengage et intègre le 13ème Bataillon du génie le 26 août 1944. Ce bataillon sera affecté à la 2ème Division blindée du Général Leclerc.
Le décès de Louise
Louise et ses enfants sont rentrés à Gennevilliers à une date indéterminée. Le 24 août 1941, elle donne naissance à son dernier fils, Pierre.
D'après Roger, la famille possédait une maison dans le Cher (18), à Sancoins. Nous savons qu'à un moment, Louise s'y est installée. Le 16 avril 1945, atteinte d'une grave maladie, elle a été transportée à l'Hôtel-Dieu de Bourges. Mais elle y est décédée quelques heures après avoir subi une intervention chirurgicale. Elle a été inhumée dans le cimetière Saint-Lazare de Bourges.
Depuis le décès de son épouse, les maigres ressources de la famille ne leur permettaient pas de se rendre sur sa tombe. Mais, en octobre 1947, Paul a écrit aux autorités après avoir entendu une information à la radio. Ses revenus insuffisants pouvaient justifier une demande de bon de transport gratuit pour se rendre à Bourges. Dans le même temps, Paul a fait une demande de restitution de son corps à titre gratuit.
Lettre écrite par Paul Robin en octobre 1947 (source familiale)
Louise a été considérée comme une victime civile. Par ailleurs, Paul justifiait de maigres ressources. Il a donc obtenu gain de cause. Le corps de Louise a été rapatrié à Gennevilliers où elle a de nouveau été inhumée. Sa famille se souvient que le cercueil était recouvert du drapeau français.
Au bout de nos recherches
Remonter l'histoire associée à cette lettre nous a permis de retrouver Roger, le frère de Marcel, ainsi que sa fille, Magali. L'un et l'autre ont fait fort bon accueil à notre démarche et nous ont largement renseigné sur cette période de leur histoire familiale. Nous tenons à les remercier pour leur précieux témoignage autant que pour les photos et les documents qu'ils nous ont fourni afin d'illustrer cet article.

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