Intéressée autant par l'histoire d'une contrée que par ses légendes, j'ai découvert un jour l'histoire de la Croix des Ordonnières.
Cette croix se trouve à la croisée de plusieurs chemins, dressée sur le point culminant de la commune de la Ferté-Imbault, dans le Loir-et-Cher.
Depuis quand est-elle plantée là ? Les gens du cru l'ont toujours connue, et leurs parents avant eux.
La section B du cadastre de 1832, dite du Méan nous permet de la situer exactement, à l'embranchement de la route de la Ferté-Imbault à Tremblevif (autrement dit Saint-Viâtre), de celle menant à Selles-Saint-Denis et des deux chemins communaux. Non loin se trouvent les lieux-dits de la Briqueterie et de l'Hypotière.
La carte de Cassini (XVIIIème siècle) désigne l'Ordonnière au beau milieu d'un bois qui existe toujours.
En revanche, nulle mention du lieu-dit les Ordonnières dans les recensements de 1860 à 1906. Pourtant le lieu existe bel et bien encore aujourd'hui. Et son existence est attestée depuis au moins le XVème siècle puisqu'il est mentionné dans l'aveu de 1448 fait à Charles VII par Catherine de Montmorency (source : Laure Houllemare).
Plus récemment, une belle demeure connue sous le nom de château des Ordonnières y avait été construite.
En 1981, son propriétaire avait pour habitude de fleurir la fameuse croix (source : Jacques Cartraud dans ses « Légendes de Loir-et-Cher, 1981).
Si nous parvenons sans peine à la situer, l'origine de cette croix nous reste inconnue. Les archives de la sous-série 4V (culte catholique) datent du XIXème siècle et ne nous ont pas renseignée davantage. Un recensement de tous les objets religieux à l'extérieur des lieux de culte avait été effectué en cette époque de laïcisation massive, mais on constate que, déjà à ce moment, on ignorait l'origine de cette croix.
Dans son article de 2015, "Sorciers et birettes de la Croix des Ordonnières", Laure Houlemare nous apprend que « diverses manifestations sataniques ont fait sa légende et sa réputation. Selon les vieilles traditions du pays, Les Ordonnières sont le rendez-vous de tous les sorciers, devins et birettes des paroisses avoisinantes qui y viennent mystérieusement sur des chevaux d'or aux ailes de feu, marchant dans les airs à certaines périodes de l'année, à minuit sonnant, principalement dans la nuit de Noël pour y faire leur sabbat, rendre compte au Grand-Maître, s'entendre prendre le mot d'ordre et s'en retourner chacun dans leur cantonnement. »
Si l'on peut facilement être sceptique sur les « chevaux d'or aux ailes de feu », l'on ne peut faire abstraction des croyances profondément ancrées dans l'inconscient collectif des Solognots.
Dans son roman historique, Paul Dunez raconte qu' « Un maître sorcier de saint Viâtre, très connu dans la Sologne des étangs, Félix Harmidas (un surnom), était un leveur de sorts de grande réputation, toujours à la frontière du bien et du mal. [...]. Il guérissait les angines les plus mauvaises, les fièvres même les plus élevées et les rhumes le plus résistants par des infusions naturelles efficaces. Il était censé faire le bien en libérant les ensorcelés. Mais il passait pour faire le mal, en renvoyant le sortilège à l'expéditeur présumé. On attendait de lui qu'il éclairât le patient sur la nature de l'envoûtement, puis les moyens qui permettraient de démasquer le coupable. Les ensorcelés ou ceux qui ont le mauvais œil veulent une guérison rapide, mais aussi une vengeance en retour.... »
Si le récit de Paul Dunez, dans « les crépitements du diable » (2004), s'inscrit dans le XIXème siècle, l'instituteur, M. Cassanet, affirmait en 1965 que les anciens parlaient encore des sorciers des Ordonnières.
Les archives de l'INA qui suivent datent de 1971. Il est évident que les croyances en la sorcellerie étaient toujours de mise dans le Berry. Mais à la vérité, elles le sont toujours.
1971 : Sorcellerie dans le Berry | Archive INA https://youtu.be/Hmv3W4xDkO8
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